changement de nom

Peut-on changer de nom pour un motif affectif ?

Par exemple, une personne portant le nom de famille de son père peut-elle changer de nom en faveur de celui de sa mère, si elle ne porte pas (ou plus) d'affection pour son père ?

Non en principe (CAA Paris, 1ère, 27-09-2018, n° 18PA01947). Sauf circonstances exceptionnelles et pièces justificatives à l'appui.

Monsieur A sollicitait du Garde des sceaux, Ministre de la Justice, le changement de son nom A, qui est le nom de son père, en D, qui est le nom de sa mère.

M.A, dont les parents ont divorcé alors qu’il n’avait que deux ans, soutenait que son père a eu un comportement maltraitant à son égard à l’occasion de l’exercice de son droit d’hébergement et qu’il a cessé tous contacts avec lui en 1993.

Pourtant, tant le Ministre de la Justice que le Tribunal Administratif ont refusé le changement de nom.

La Cour Administrative a elle aussi refusé la demande de changement de nom.

En effet, elle relève qu’ « aucune procédure judiciaire n’a été diligentée à l’encontre du père du requérant et le juge aux affaires familiales, saisi en 1993 à la suite des allégations de maltraitance de l’enfant, a maintenu l’autorité parentale ainsi qu’un droit de visite et d’hébergement au profit du père de M. A, sur la base d’une expertise psychologique du 10 mai 1994 qui constate un grave problème relationnel entre le père et le fils sans se prononcer sur la réalité des violences alléguées ».

Ainsi, la Cour relève que l’intéressé n’apporte pas d’élément de nature à justifier « du traumatisme lié au port de ce nom à la date de la décision attaquée ».

La Cour en déduit qu’il s’agit donc d’un motif affectif, lequel ne suffit pas à caractériser, en l’absence de circonstances exceptionnelles avérées, un intérêt légitime justifiant, en application des dispositions de l’article 61 du code civil, le changement de nom sollicité.

L’intéressé a également invoqué l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en considérant que la décision de refus constituait une ingérence dans sa vie privée et familiale. En vain. La Cour considère qu’ « en l’absence de circonstance exceptionnelle avérée et de trouble psychologique sérieux établi, il n’a pas été porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A une atteinte excessive au regard de l’intérêt public qui s’attache au respect des principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi ».

Il faut tirer plusieurs enseignements de cette décision, pour autant relativement constante.

En effet, il ne suffit pas de prétendre que l’un de ses parents a eu un comportement inapproprié voir offensant à son égard pour solliciter un changement de nom.

En effet, une telle prétention est en réalité un motif purement affectif, qui ne peut constituer un motif légitime, selon des principes constants.

Deux éléments sont susceptibles de faire de cette circonstance un motif légitime :

  • Une condamnation pénale de l’un des parents, ou du moins une décision judiciaire qui établit avec certitude l’existence d’un comportement grave (par exemple violent), du parent vis-à-vis de l’enfant (d’autres décisions ont pu mentionner l’expression de «manquement suffisamment grave » d’un parent vis-à-vis de son enfant, voir en ce sens : CAA Paris 1ère, 29 9-2016, n° 15PA01522).
  • Des circonstances exceptionnelles, tel qu’un traumatisme, psychologiquement établi de l’enfant, qui justifie que son nom puisse être changé.

Seuls ces éléments auraient pu permettre, dans cette affaire, de renverser le principe d’immuabilité du nom de famille.